Jean-François Boisvenue, maîtrise en études allemandes
Auteur, metteur en scène, traducteur et comédien
La maîtrise développe la pensée critique, et ça, c’est incroyable! La société devient beaucoup plus limpide, on sait mieux lire les choix que fait notre élite, et on apprend à trier l’information quotidienne. La pensée critique, c’est penser de façon autonome. Ce genre d’études-là, particulièrement en littérature, c’est là que ça nous mène.
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’entreprendre une maîtrise en études allemandes?
J’ai d’abord suivi une formation d’acteur au baccalauréat, malheureusement, j’ai commencé à souffrir d’agoraphobie... Je ne pouvais donc plus monter sur scène! Durant mon BAC, j’avais découvert plusieurs auteurs allemands qui me fascinaient, notamment Büchner. Et j’avais fait tous mes cours complémentaires en langue allemande. En plus, comme j’avais étudié la musique classique plus jeune, la culture allemande m’habitait depuis un moment.
Comme s’est passée la transition entre le BAC en théâtre et la maîtrise en études allemandes?
Comme j’avais déjà un BAC, je voulais passer directement à la maîtrise, quitte à faire une propédeutique… que j’ai finalement faite en même temps! J’avais donc des cours de BAC et de maîtrise, dont certains entièrement en allemand! Ma première année a été éprouvante. Mais j’étais investi d’une réelle soif et d’une réelle curiosité intellectuelle! Et mes profs m’ont beaucoup encouragé, même si, au début, mon niveau d’allemand n’était pas très fort...
Tu es parti en Allemagne dès la première année de ta maîtrise?
Oui, je suis parti trois mois à Berlin. Je travaillais dans un bar à Berlin-Est et dans un café vers Mitte. J’y ai découvert la scène underground et le night life, c’était extraordinaire! J’ai découvert les musées aussi : il y en a tellement! En trois mois, je n’ai pas eu le temps de faire le tour culturellement. Berlin, c’est une ville complexe mais fascinante.
Es-tu retourné à Berlin par la suite?
Oui! Vers la fin de ma scolarité de maîtrise, j’y ai suivi un séminaire avec le professeur Till Van Raden, en partenariat avec la Freie Universität Berlin. C’était un cours intitulé Diversity in Modern Germany et qui portait entre autres sur l’histoire des personnes juives à Berlin. Comme on était sur place, il y avait encore des témoins et des traces de cette histoire dans la ville.
Cet été-là, je suis resté à Berlin faire des recherches pour mon mémoire sur le metteur en scène Franz Castorf. C’était impressionnant de voir tous les documents qu’il y avait dans les archives de la Volksbühne, notamment des carnets de mise en scène de la main de Heiner Müller!
Ton allemand a dû beaucoup s’améliorer?
Vraiment! À la fin, j’ai même rédigé mon mémoire en allemand. Je n’étais pas obligé, mais j’en avais envie. Et avec la documentation que j’avais, c’était plus logique.
Est-ce que la maîtrise en études allemandes t’a transformé?
Oui, personnellement et artistiquement. La maîtrise m’a apporté énormément de rigueur. J’en avais besoin car j’avais tendance à m’éparpiller. Ça m’a aidé à concentrer mes efforts et mes énergies. Et ça m’a apporté une grande facilité à rédiger des demandes de subvention! Comme artiste – ou futur artiste – c’est très précieux cette méthodologie-là.
La maîtrise en études a-t-elle nourri ton travail artistique aussi?
Certainement. J’ai traduit et adapté plusieurs pièces allemandes. Avec la troupe de théâtre du cégep de Valleyfield – que je dirigeais à l’époque - j’ai traduit et adapté le premier Faust de Goethe. L’année d’après, j’ai monté Le Vol au-dessus de l’océan de Brecht, et les étudiant.e.s chantaient en allemand!
Dirais-tu que l’influence allemande fait partie de ton identité artistique?
Tout à fait! L’influence brechtienne est vraiment présente dans mes œuvres, l’influence de Büchner aussi. Toute la portion de mon travail reliée à la technologie et à la médiation, on la retrouve dans la culture allemande aussi. En théâtre, Max Reinhardt est un des premiers metteurs en scène à avoir utilisé le cinéma au théâtre, les images poétiques avec la lumière, etc. Brecht aussi s’est beaucoup servi de la technologie, dans ses thèmes notamment, comme dans Le Vol au-dessus de l’Océan.
Si tu pouvais t’adresser aux étudiant.e.s actuel.le.s, que leur dirais-tu?
Je pense que la société est là pour soutenir les gens qui ont envie d’étudier pour étudier. C’est sûr que c’est excitant d’aller tout de suite sur le marché du travail, et cette urgence-là peut faire hésiter certaines personnes à entreprendre des études théoriques. Mais si c’est un réel désir, il y aura toujours des gens pour te soutenir. Il ne faut fait pas avoir peur et il faut foncer.