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/ Département de littératures et de langues du monde

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Michèle Laliberté, BAC en études allemandes

Traductrice littéraire, enseignante à l'Université d'Ottawa et romancière

C’est toujours utile des études en langues et littératures. Ça ouvre l’esprit, on devient plus critique, et ça nous ouvre des portes partout dans le monde culturel !

Qu’est-ce qui t’a amenée à choisir le BAC en études allemandes ?

Mon problème, c’est que je m’intéressais à tout ! J’adorais la musique, le théâtre et la littérature... J’ai d’ailleurs longtemps pensé faire une carrière en arts. J’avais aussi un DEC en sciences de la santé car, à cette époque-là, je voulais d’abord être vétérinaire. J’ai souvent changé d’idée ! Je crois que c’est possible – et c’est correct ! - de changer d’idée. On peut faire plusieurs choses, pas toutes en même temps, mais une à la suite de l’autre.

Quelle a été l’étincelle qui t’a poussée à t’inscrire ?

L’étincelle, ça a été Freud et Kafka que je voulais lire en allemand. J’avais étudié en psychologie aussi et j’avais découvert ces auteurs dans un cours de psychanalyse. Mais j’ai décidé d’aller en études allemandes car je trouvais que la littérature allait plus loin dans les profondeurs de l’inconscient que la psychologie.

Qu’as-tu découvert en lisant Freud et Kafka dans le texte original ?

À l’époque, Kafka n’était pas très bien traduit – il été retraduit par la suite ! En le lisant dans le texte, j’ai découvert que l’allemand, en fait, c’est une langue très simple. En français, on recourt parfois à une écriture inutilement savante. L’allemand est plus direct ! C’est une langue source, c’est-à-dire qu’elle ne passe ni par le grec ni par le latin. Et c’est une langue qui, selon moi, interpelle davantage le corps.

As-tu fait un échange en Allemagne durant tes études ?

Oui ! J’avais gagné une bourse du DAAD pour passer un été à Freiburg, puis j’ai décidé de rester plus d’un an là-bas.

Qu’est-ce que ça a changé pour toi de passer plus d’un an en Allemagne ?

Ça a changé ma vie et ça m’a changé moi! Vivre dans un pays étranger, ce n’est pas du tout comme le visiter en tant que touriste. On éprouve ses enjeux de l’intérieur, on le comprend mieux. Et les gens sur place initient des liens plus profonds avec nous. On a accès aux secrets de la culture et aux racines du pays, de la langue.

En Allemagne, je me suis découvert une autre personnalité ! Parce que les codes sociaux sont différents dans chaque pays, il faut s’adapter. Par conséquent, on développe une nouvelle partie de soi. Le fait de parler une langue étrangère contribue à cette transformation. Ça nous permet même de faire des choses qu’on n’oserait peut-être pas faire chez soi !

Ah oui ? Comme quoi ?

Quand j’ai vécu aux États-Unis par exemple, j’ai chanté et j’ai fait du cabaret franco-allemand, et je pense que ça aurait été difficile pour moi de le faire au Québec. En Allemagne, j’ai aussi fait du théâtre dans une troupe. Ça me permettait d’être quelqu’un d’autre, d’investiguer des zones nouvelles de ma personnalité.

Qu’est-ce que cette expérience en Allemagne t’a permis de comprendre sur le Québec ?  

J’ai constaté en Allemagne que les jeunes de mon âge - au début des années 1980 – me ressemblaient. C’était une génération qui avait vécu le trauma de la guerre par l’intermédiaire de ses parents, et elle avait beaucoup de difficulté à s’identifier à la génération précédente. Au Québec, il y avait un fossé générationnel énorme : on avait sauté dans la postmodernité sans passer par la modernité, et ça faisait en sorte qu’on avait du mal à s’identifier à nos parents.

Comment cela s’est-il manifesté pour toi ?

Dans mon cas, mes parents n’avaient pas eu accès à une longue éducation. Je les adorais, bien sûr, mais j’avais du mal à m’identifier à eux. Et eux avaient beaucoup de mal à me comprendre aussi. Chaque fois que je suis partie en Allemagne pour de longues périodes, ils pensaient que j’étais paresseuse, alors que c’était tout le contraire !

Donc, rien ne te prédisposait à entamer un BAC en études allemandes ?

Absolument pas ! En fait, j’étais très angoissée comme étudiante. J’étais malheureuse parce que j’ignorais ce que donneraient ces études-là. Mes parents ne m’encourageaient pas à poursuivre dans cette voie, et j’étais angoissée par rapport à la façon dont j’allais gagner ma vie. Finalement j’ai décidé de poursuivre aux cycles supérieurs. J’ai compris que, plus j’étudiais, plus j’allais pouvoir faire de choses. Et puis, je m’identifiais beaucoup aux professeur.e.s J’avais envie moi aussi de transmettre ce qui me passionnait !

En somme, j’ai fait à ma tête. Je ne voulais pas travailler dans un bureau de 9 à 5. Alors j’ai suivi mes intuitions avec passion et entièreté. J’ai fait exactement tout ce que je voulais ! Et le BAC en études allemandes a été un bon tremplin pour ça !